SÊMA Lao

La poésie colorée

Sêma Lao est une jeune artiste peintre française née en 1987. Elle vit et travaille actuellement à Limoges.

Pour Sêma Lao, l'aventure commence en 2012 quand un célèbre artiste urbain C215, lui propose de venir peindre sur les murs de Vitry-sur-Seine. Depuis son style reste reconnaissable de tous, pour ses portraits d'enfants et pour son traitement toujours très vif et coloré.

Sêma Lao aime travailler de façon spontanée et libre, ainsi lorsqu'elle commence une œuvre elle préfère sauter l'étape de l'esquisse pour directement travailler ses couleurs, qui sont véritablement le cœur de sa création.

Armée de sa bombe aérosol, Sêma Lao cherche à établir de vrais liens entre son public et ses œuvres, elle pratique pour cela un effet de coulures sur ses réalisations, ce qui oblige le spectateur à adopter plusieurs points de vue.

 

Sêma Lao est une artiste peintre qui aime s’attaquer, si ce n’est à des montagnes, du moins à des murs qu’elle recouvre de toute sa poésie colorée. De son enfance solitaire dans la campagne haut-viennoise à la reconnaissance internationale, elle narre un parcours tout sauf linéaire.

Ne lui dites pas qu’elle est graffeuse. Lorsqu’elle entend ce terme, assez peu élégant, il faut bien le reconnaître, Sêma Lao plisse du nez. « Je fais des portraits, mais aussi des expos. Je me définis plutôt comme une muraliste », glisse-t-elle d’une voix douce mais assurée. Une mise au point qui reflète assez bien la personnalité d’une artiste qu’on aura mis plusieurs mois à rencontrer. Non pas qu’elle n’en avait pas envie, ou qu’elle estimait qu’elle avait mieux à faire. Mais entre un déménagement, des projets à honorer, d’autres à amorcer, sans oublier la naissance d’un bébé, le temps a filé, tout simplement.

Douce et impulsive, posée et spontanée, débordante d’énergie et ultrasensible. Telle est Sêma Lao, 32 ans, silhouette fluette et juvénile accentuée par une longue tresse asymétrique. Et une vie drôlement remplie. Pas toujours très linéaire, pas toujours sereine. Mais qui l’a menée là où elle est aujourd’hui. Un petit bout de femme qui aime s’attaquer à des murs. A la couleur, s’entend. Et très hauts, si possible. Comme à Blois, où elle a transformé en mars 2018 un banal immeuble de six étages en portrait géant d’Angela Davies, militante pour les droits de l’Homme aux Etats-Unis.

A Limoges, on connaît d’elle son portrait du basketteur Richard Dacoury à l’entrée du palais des sports de Beau blanc. Elle a contribué à décorer le centre culturel John-Lennon, où elle a livré sa vision très personnelle, ultra-colorée, de Martin Luther King. A laissé une trace émouvante de sa fille aînée vers le collège Léon-Blum. A immortalisé Gérard Depardieu dans le bar à vins Le Tagazou. Et, tout récemment, Coluche dans les nouveaux locaux des Restos du Cœur de la rue de Chinchauvaud. Sa marque de fabrique ? Les visages. Les frimousses d’enfants surtout. Attendrissantes et vibrantes de vie.

« Quand je peins un enfant, c’est un peu moi que je représente. De façon plus générale, quand je suis avec mes couleurs, je suis vraiment dans mon truc. Je m’en nourris. C’est quelque chose de vital », insiste la jeune femme. Aussi loin que remontent ses souvenirs, ils sont associés à des feutres, des crayons, des pastels. Une enfance en technicolor au fin fond de la campagne, dans un lieu-dit vers Bessines-sur-Gartempe dont elle avoue pudiquement ne pas avoir gardé que de bons souvenirs. « Mais cet isolement m’a fait grandir, il a forgé mon caractère. On me dit que je dessinais tout le temps, je recopiais des dessins. Je rêvais, je crois, d’en faire mon métier. »

Couleurs qui claquent 

Pourtant, après son bac S, elle décide de tout arrêter « car je voulais que cela reste une passion, sans pression ». Un choix catégorique, et finalement peu judicieux. Débute pour elle une période d’errance. Des études d’anglais par défaut. Des petits boulots dans des restaurants pour financer une formation dans la communication visuelle. Des gros coups de moins bien.

Et un jour, une révélation, au contact d’un groupe d’artistes qu’elle côtoie en compagnie de son frère qui baigne dans le monde du hip-hop. « J’ai découvert l’univers du graff. Peindre dehors, à la bombe, c’est totalement pour moi ! Moi qui suis impulsive, ça va vite, la matière sèche tout de suite. J’aime ce côté brut, les couleurs qui claquent, les éclaboussures. » La technique, elle l’acquiert auprès de ses amis. Elle apprend surtout à lâcher prise, à laisser jaillir ses émotions. A les mettre en scène et à les offrir aux yeux de tous.

« La confiance est venue avec l’aérosol : on peut repasser sans souci si on se trompe. Tout est moins précieux, les ratés ne le sont pas toujours. Et puis quand vous allez peindre dans une friche, vous n’avez aucune pression, vous pouvez expérimenter ce que vous voulez puisque personne ne le verra », sourit Sêma, qui ne cache pas son étonnement, pour ne pas dire son incrédulité, quant au succès qu’elle rencontre, et bien au-delà des frontières du Limousin.

« Je suis de plus en plus sollicitée. » Comme en Italie, à Forlì, où elle a participé à une fresque représentant des personnalités qui ont marqué l’histoire de la réunification du pays. Ou, en septembre, en Seine-Saint-Denis, où elle a reproduit des portraits d’habitants anonymes. Des événements qui ne lui font pas perdre de vue ses priorités, ni oublier ses racines en donnant de sa personne au premier festival Art Récup de Veyrac en septembre 2019. Insaisissable, parfois, mais fidèle, toujours.

Article "Le populaire du centre"

Marjorie Queuille

Photos : Thomas Jouhannaud